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Comment les biais cognitifs impactent-ils nos décisions ?

Illustration de Francesco Ungaro

Nous l’avons vu dans notre dernier article, la bonne décision découlera de l’attention portée aux différents paramètres qui la composent.

Mais être attentifs à ces paramètres ne nous met pas à l’abri des biais cognitifs qui peuvent impacter négativement la qualité de nos décisions.

 

1)      Les biais cognitifs, c’est quoi ?

Les biais cognitifs sont des mécanismes de pensée, généralement inconscients, qui viennent nuire au traitement cognitif de l’information. Ces biais vont impacter notre analyse - même consciencieuse - de la situation, fausser notre raisonnement et donc altérer notre jugement.

Ces raccourcis mentaux sont systématiques de sorte que pour chacun d’entre nous, une situation déterminée entraînera un biais cognitif déterminé.

Les biais cognitifs nous impactent tous. Et connaître leur existence ne suffit bien souvent pas à nous en prémunir.

 

2)      Comment les biais cognitifs impactent-ils notre décision ? 

Il existe plus de 200 biais cognitifs de nature à nuire au caractère rationnel de nos décisions.

La meilleure façon d’aborder ces biais cognitifs consiste à les classer en fonction du paramètre de la prise de décision qu’ils impactent.

Rappelons-nous la formule qui se trouve derrière toute prise de décision (voir article précédent) :

 

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Les biais cognitifs impacteront tantôt l’information dont nous disposons, tantôt les liens logiques que nous créeront entre les informations entre elles d’une part et entre les informations et l’objectif poursuivi d’autre part, tantôt l’objectif poursuivi lui-même !

 

a)       Les biais cognitifs qui impactent l’information

Ces biais cognitifs impactent la façon dont nous percevons la réalité. Ils nous amènent à considérer pour vraies et fiables des informations qui ne le sont pas, ou nous amènent à ne pas accorder l’importance adéquate aux informations disponibles.

L’information étant la matière première de tout argument, on comprend vite l’impact dramatique qu’une information biaisée, erronée, peut avoir sur notre décision finale.

Voyons ci-dessous, pour exemples, quelques biais fréquents impactant la véracité de l’information disponible :

o   Le biais de confirmation

Le biais de confirmation est la tendance, très commune, à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment nos croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.

o   L'effet de vérité illusoire

L'effet de vérité illusoire (ou effet d'illusion de vérité) est la tendance à lier le degré de vérité d’une information au nombre de fois auxquelles nous y sommes exposés. La répétition de l’information tend à nous la faire considérer comme acceptable.

o   Le biais de représentativité

Le biais de représentativité est un raccourci mental qui consiste à ne considérer que quelques éléments d’information qui ne sont pas nécessairement représentatifs ou pertinents.

o   L’effet de contraste

L’effet de contraste fait en sorte que, lorsque l’on expérimente deux choses similaires de façon simultanée, notre perception de la seconde est influencée par celle de la première.

o   L'excès de confiance

L'excès de confiance est la tendance à surestimer ses propres capacités. Ainsi, dans divers domaines, beaucoup plus que la moitié des participants estiment avoir de meilleures capacités que la moyenne.

o   Le biais de négativité

Le biais de négativité est la tendance à donner plus de poids aux expériences négatives qu'aux expériences positives et à s'en souvenir davantage.

o   Le biais d'optimisme

Le biais d'optimisme est, au contraire, une tendance à accorder plus d'attention aux bonnes nouvelles qu'aux mauvaises.

o   L’effet de récence

L’effet de récence est la tendance à mieux mémoriser les dernières informations auxquelles on a été confronté.

o  L'effet de primauté

L’effet de primauté est la tendance à se souvenir davantage des premières informations auxquelles on a été confronté.

Nous le voyons, ces biais vont impacter la qualité de l’information ou la façon dont nous ferons appel à cette information dans le cadre de notre prise de décision.

Ces biais nous mèneront à nous baser sur une information fausse, à donner trop d’importance à une information qui ne la mérite pas, à omettre de l’analyse des informations pertinentes.

 

b)      Les biais cognitifs qui impactent la réflexion

Ces biais cognitifs impactent la façon dont nous sélectionnons et traitons l’information disponible.

Ils se manifesteront par une rupture du lien logique entre les informations entre elles d’une part, et entre les informations et l’objectif poursuivi d’autre part.

Nous serons alors amenés à voir des liens logiques où il n’y en a pas, à créer des raccourcis, ce qui nuira à la qualité de notre décision.

Voyons ci-dessous, pour exemples, quelques biais qui impactent la qualité de notre réflexion et nuisent à nos décisions :

o   Le biais de croyance

Le biais de croyance se produit quand le jugement sur la logique d'un argument est biaisé par la croyance en la vérité ou la fausseté de la conclusion. Ainsi, nous ignorerons des erreurs de logique si la conclusion correspond à nos croyances.

o   L'erreur fondamentale d'attribution

L'erreur fondamentale d'attribution est la tendance à surestimer les facteurs personnels (tels que la personnalité) pour expliquer le comportement d'autres personnes et à sous-estimer les facteurs conjoncturels.

o   L'illusion de causalité

L'illusion de causalité consiste à percevoir une relation entre deux événements non reliés ou encore à exagérer une relation qui est faible en réalité. Par exemple, l'association d'une caractéristique particulière chez une personne au fait qu'elle appartienne à un groupe particulier alors que la caractéristique n'a rien à voir avec le fait qu'elle appartienne à ce groupe.

o   Le biais de cadrage

Le biais de cadrage est la tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté. Par ex. la décision d'aller de l'avant ou pas avec une chirurgie peut être affectée par le fait que cette chirurgie soit décrite en termes de taux de succès ou en terme de taux d'échec, même si les deux chiffres fournissent la même information.

o   L'effet de halo

L'effet de halo consiste à généraliser un jugement à partir d’un élément. Il se produit quand la perception d'une personne ou d'un groupe est influencée par l'opinion que l'on a préalablement pour l'une de ses caractéristiques. Par exemple, une personne de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance. L'effet de notoriété est aussi un effet de halo.

Ces biais vont donc impacter la sélection et le traitement de l’information disponibles, et réduire la pertinence de notre argument. 

 

c)       Les biais cognitifs qui impactent l’objectif poursuivi

Nous avons vu que les biais cognitifs sont par nature des mécanismes inconscients.

Les biais cognitifs qui impactent l’objectif poursuivi sont cependant particulièrement fourbes puisqu’ils nous mènent à remplacer insidieusement l’objectif initialement fixé par un autre objectif, sans que nous n’en ayons conscience.

Les informations et la réflexion ne serons pas erronés dans l’absolu, mais répondront à un objectif qui n’est pas celui que nous poursuivions initialement.

Citons pour exemple :

o   Le biais de conformisme

Le biais de conformisme est la tendance à penser et agir comme les autres le font. Il est la conséquence de notre besoin naturel d’appartenance.

Les circonstances, les autres, notre besoin d’appartenance, viendront ainsi modifier insidieusement notre objectif initial et le transformer en un nouvel objectif : faire le même choix que les autres.

La seule information utile devient alors le choix des autres, la réflexion se limitant à : si les autres font X, alors je dois faire X pour atteindre l’objectif de conformité.

Plutôt que de réfléchir sereinement et librement à l’option qui collera le mieux à l’objectif que nous nous étions fixé, nous considérerons l’information issue du groupe et réfléchirons pour atteindre ce nouvel objectif de conformité.

L’information et la réflexion sont donc correctes et répondent à l’objectif fixé. Le problème réside précisément dans cet objectif qui n’est plus celui initialement fixé mais bien celui de conformité : cette modification résultant du biais.

o   Le biais de favoritisme intragroupe

Le biais de favoritisme intragroupe est la tendance à favoriser les gens qui appartiennent à un même groupe que nous comparativement aux personnes qui n'en font pas partie.

Ici encore, le biais agira sur notre souhait, sur notre objectif. Le biais viendra nous faire souhaiter quelque chose que nous n’avions pas imaginé au moment de fixer l’objectif.

Nous utiliserons alors l’information disponible et réfléchirons de façon adéquate pour atteindre cet objectif – inconsciemment - biaisé.

Le problème ne se situe pas ici au niveau de l’information ou de la réflexion, mais bien au niveau de l’objectif poursuivi. 

o   Le biais de statu quo

Le biais de statu quo est la tendance à préférer laisser les choses telles qu'elles sont, un changement apparaissant comme apportant plus de risques et d'inconvénients que d'avantages possibles.

On pourrait donc juger que le choix final n’est pas rationnel au regard de l’objectif initial. Mais le choix final sera tout à fait rationnel au regard de l’objectif biaisé, qui contiendra une aversion au risque que nous n’avions pas conscientisée.

C’est donc encore ici l’objectif poursuivi qui se trouve biaisé et non l’information ou la réflexion.

Ce type de biais nous conduira à incorporer, de façon inconsciente, nos peurs et nos besoins (tout aussi inconscients) à l’objectif initialement fixé. L’objectif s’en trouvera modifié et la sélection de l’information et la réflexion s’adapteront à ce nouvel objectif.

L’information utilisée sera correcte, les liens logiques seront établis à raison, mais ils ne répondront pas à l’objectif que nous avions initialement en tête. Ils répondront à l’objectif biaisé.

 

3)      Comment limiter l’impact des biais cognitifs ?

Les biais cognitifs sont les grands ennemis de la prise de décision :

-        Ils impactent considérablement nos décisions et peuvent les rendre tout à fait irrationnelles et inopportunes ;

-        Ils s’imposent à nous, que l’on en soit conscients ou non.

Il est particulièrement difficile de s’en prémunir puisque nous en restons sujets quand bien même nous les connaitrions tous et les aurions continuellement à l’esprit.

Alors, que faire pour limiter leur impact ?

La solution sera différente selon le paramètre impacté par le biais.

 

a)       Les biais impactant l’information et le traitement de l’information (les arguments)

1)      La connaissance

Prendre conscience que nos informations et réflexions peuvent être biaisées. Connaître les biais existants nous permettra de les repérer et les identifier plus facilement. Mais, comme on l’a vu, si connaître ces biais nous permettra de limiter leur impact, cela ne suffira pas à les supprimer.

 

2)      L’intelligence collective

Tout le monde est impacté par les biais cognitifs, mais tout le monde ne l’est pas de la même façon et selon les mêmes circonstances.

Le recours à l’intelligence collective permet dès lors de croiser les informations, de les recouper, de les challenger, de les compléter.

Cette réflexion collective permettra à chacun de prendre connaissance et conscience des biais qui auraient impacté leurs informations et/ou réflexions et diluera le risque et l’impact des biais cognitifs.

 

b)      Les biais impactant l’objectif à atteindre par la décision à prendre

1)      La connaissance

De la même façon que pour les biais impactant les arguments, il convient que nous prenions conscience que nos objectifs peuvent être biaisés et que nous connaissions les biais existants pour pouvoir les repérer et les identifier plus facilement. Mais, comme on l’a vu, si connaître ces biais nous permettra de limiter leur impact, cela ne suffira pas à les supprimer.

 

2)      Les conditions entourant la prise de décision

 

Nous veillerons à nous placer dans les meilleures conditions afin que notre objectif ne soit pas modifié par les circonstances extérieures, et notamment par le biais de conformisme qui intervient très fréquemment.

 

Il pourra être utile pour le décideur de s’éloigner de cette pression sociale, de s’isoler, voire d’anonymiser les participations dans le contexte de l’intelligence collective afin de limiter ce biais de conformisme.

 

Il conviendra en tout état de cause de veiller à ce que les opinions des autres ne soient pris en considération qu’en qualité d’information et ne viennent pas modifier notre objectif.

 

D’autres circonstances telles que le timing, nos propres peurs et besoins (non considérés au moment de fixer l’objectif initial) peuvent être de nature à biaiser cet objectif initial. Il conviendra d’y être attentif et de se poser régulièrement la question de savoir si l’objectif initial est toujours celui qui est - consciemment ou non – poursuivi.

 

Qwiid vous permet d’éviter l’ensemble des biais cognitifs via l’utilisation de l’intelligence collective d’une part, et en apportant de la structure, de l’anonymat potentiel et des conditions de réflexion optimales (via le distanciel et l’asynchronicité).

 

Dans les prochains posts, nous décortiquerons le concept d’intelligence collective pour en comprendre les avantages et les limites.

Commentaires

Delcol

Impressionnant de réaliser le nombre de facteurs qui influencent nos décisions! Excellente compilation qui fait réfléchir!

Delcol

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